Après les étendues arides et exposées du sud de la Martinique, nous sommes partis explorer la forêt tropicale dans sa partie nord. Plus précisément sur la côte nord-ouest, sur le versant de la montagne Pelée. Là-bas, une rivière prend sa source au Piton Pierreux, traverse une ancienne plantation de cacaoyers revenue à l'état sauvage, puis trouve son embouchure à l'Anse Couleuvre. Le sentier, aménagé en 2007 et géré depuis par l'Office National des Forêts, longe la rivière sur 1 600 mètres pour atteindre la cascade Couleuvre. Il s'agit ni plus ni moins de la plus haute cascade de Martinique avec 130 mètres de hauteur ! Bref. Il fallait que nous y allions.
Le sentier.
Le sentier.
Pour accéder à ce sentier, il faut se rendre au parking de l'Anse Couleuvre qui donne ensuite sur deux voies différentes. La première, qui file droit devant, mène à la plage et au sentier de randonnée jusqu'à Grand Rivière. Celui qui nous intéresse est plus discret, directement sur la droite. Nul besoin de préciser que l'atmosphère y est étouffante car très chaude et humide. Pas étonnant que la flore soit si luxuriante. Les espèces épiphytes, essentiellement des fougères, sont légions dans le clair-obscur des frondaisons. Un piaillement, comme une lamentation, trahit la présence invisible du siffleur des montagnes (Myadestes genibardis) que nous n'auront malheureusement pas la chance d'apercevoir.
La rivière Couleuvre.
Sous la canopée, la faune se fait discrète. Seuls autres témoins d'une activité animale, les bernard-l'ermites terrestres (Coenobita clypeatus) toujours à la recherche de nourriture parmi les feuilles mortes. Ils sont assez gros et déconcertants, surtout lorsqu'on a l'habitude de ne voir que leurs minuscules cousins européens ! Mais il y a aussi de nombreux anolis roquets (Anolis roquet), petits lézards très abondants endémiques de la Martinique.
Passés les 150 premiers mètres de randonnée, le sentier se fait plus escarpé et le relief plus accidenté. Il longe la rivière parfois depuis une bonne hauteur. Il faut prendre garde car par temps de pluie, le chemin devient rapidement boueux et glissant. La chaleur est telle que les nombreux croisements avec la rivière sont accueillis à bras presque ouverts, histoire de se rafraîchir un peu. Je dis bien presque, car à moins d'être équipés de chaussures étanches vous aurez les pieds trempés. Pas possible de traverser sinon ! La rivière justement file en une succession de plats et de cascades jusqu'à la plage. Il est possible de se baigner lorsqu'elle est suffisamment profonde, bien que les zabitans (Macrobrachium carcinus) aiment vous y chatouiller les orteils. C'est quoi un zabitan ? C'est une écrevisse qui peuple les cours d'eau martiniquais, en particulier les endroits calmes et profonds comme au pied des chutes d'eau.
Le bernard-l'ermite terrestre.
Quelques unes des fougères épiphytes.
L'anolis roquet.
Une touffe de bambous.
La strate arborescente est essentiellement composée de cacaoyers (Theobroma cacao), autrefois cultivés. Ils sont faciles à reconnaître : de nombreuses cabosses à divers stades de maturité ornent leurs troncs ici et là. Les plus chanceux pourront même apercevoir leurs fleurs. Nous avons également pu observer de grands fromagers (Ceiba pentandra) dont les imposants contreforts ne passent pas inaperçus, au côté des lianes wawas (Entada gigas). Pour les herbacées plus discrètes (encore que cela reste relatif, nous sommes sous les tropiques !), on peut compter sur le clérodendron de Java (Clerodendrum speciosissimum), une lamiacée aux fleurs rouges exubérantes présente le long du sentier.
Le clérodendron de Java.
Autre espèce aux fleurs rouges, le balisier des Caraïbes (Heliconia caribaea) se remarque dans les fourrées. Ses immenses feuilles le feraient presque passer pour un bananier. Pour rester dans la démesure, des bambous géants semblent affectionner la proximité de l'eau. Nous n'avons pas été jusqu'à la détermination de l'espèce en question et, si quelqu'un a une idée de son nom précis, n'hésitez pas à l'indiquer en commentaire. Enfin, dernière espèce à avoir été observée le long du sentier, l'aristoloche élégante (Aristolochia elegans) lance ses lianes parmi les branches des arbres alentours. Ses énormes fleurs se déploient à l'ombre et évoquent les urnes de certaines plantes carnivores comme les népenthès.
Le cacaoyer.
Le balisier des Caraïbes.
L'aristoloche élégante.
Un grand fromager !
Il faudra entre 1h30 et 2h de marche dans la moiteur tropicale pour parvenir à l'issue du sentier : la cascade Couleuvre. Le jeu en vaut la chandelle puisqu'elle permet aussi de se rafraîchir avant de refaire tout le chemin en sens inverse. Pas facile à avoir en une seule photo ! Alors nous vous la présentons en deux clichés juste en dessous, histoire de vous donner envie d'y aller peut-être ?
Pour la rétrospective sur la flore de Martinique, c'est par ici !